Jours 109 à 112 - Kepler Track

Après Milford, je mets le cap sur Te Anau où je devine les montagnes à travers la pluie; j'attends quelques jours que le temps se dégage pour aller arpenter le légendaire Kepler Track, un itinéraire de randonnée de 70km passant pour être un des plus beaux du pays et se parcourant normalement en 4 jours, les nuitées se faisant dans les refuges jalonnant le parcours.

J'ai décidé d'aménager un peu l'itinéraire et de camper afin d'être au plus près des éléments et bien sûr d'alourdir un peu mon sac à dos, qui n'avait pas vraiment besoin de ça pour peser son poids avec les vivres et le nécessaire de survie pour 4 jours. Il est interdit de camper aux alentours du premier refuge, et plus généralement à proximité du parcours, je passe donc ma première nuitée à regarder les étoiles se refléter dans le lac Te Anau, au début du chemin à 3h de marche du village.

Le deuxième jour sera le plus dur, et le plus récompensant: 32km de section alpine et la traversée des montagnes saupoudrées de neige toute fraîche (vive l'été!) offre des panoramas époustouflants, et l'impression d'être le premier homme à franchir ces étendues… Pas un village, une maison ou une route n'entachent ces paysages sauvages, et l'émerveillement du début ne me quittera pas de la journée.

Après 10h d'un sommeil de plomb sur le sol caillouteux d'Iris Burn, c'est une étape de 16km à travers la forêt parsemée de torrents et ruisseaux pour arriver sur Lake Manapouri sur les bords duquel j'établis mon campement. Piquer une tête dans le lac au couchant, un feu de camp et encore cette incroyable sensation d'être le premier homme sur Terre, tout ça ressemble bien à la liberté… L'intensité de cet instant est simplement indescriptible…

Une nuit passée à écouter les assauts furieux et répétés du vent sur la forêt, et je me remets en route non sans m'imprégner une dernière fois de mon petit coin de paradis. Les 19 derniers kilomètres se feront sous la pluie et dans la douleur, mes pieds se rappelant à mon bon souvenir de façon bien cuisante; ce qui ne m'empêchera pas d'arriver avec le sourire et la tête pleine d'images magnifiques. Depuis la fenêtre de ma chambre, dernier regard sur les montagnes derrière le rideau de pluie: je l'ai fait…